UTMJ 2025, le cœur du massif bat fort
Il est un coin de France où la brume s’accroche aux sapins, où les montagnes semblent respirer au rythme des pas des coureurs. Chaque automne, quand la pluie s’invite et que les monts se parent de gris et de vert profond, le massif du Jura devient le théâtre d’une des plus belles symphonies du trail : l’Ultra Trail des Montagnes du Jura (UTMJ). Une course exigeante, sincère, sans fard. Une épreuve où l’on vient chercher plus qu’un chrono : une connexion — à soi, à la terre, à une communauté. Et cette année, pour sa 6ᵉ édition, l’histoire avait un parfum de retour aux sources.
Jean-Marie Thévenard, l’enfant du pays
Il a ce sourire fatigué mais franc, celui de ceux qui connaissent la douleur et la beauté du long.
Jean-Marie Thévenard, natif de Nantua, installé dans le Doubs, a conquis l’UTMJ en 21h06. Une victoire symbolique, presque familiale, tant son histoire est liée à celle de l’épreuve. Avant d’y courir, il en avait dessiné les sentiers. « Cette course à la maison me tenait à cœur, sur des chemins que je parcours presque tous les jours. » confie-t-il, encore ému à l’arrivée. « Le Mont d’Or, je l’ai fait quarante fois cette année !«
Lui, le discret artisan du trail jurassien, s’est offert une victoire d’endurance et de patience. Sur ce 175 km de solitude et de fraternité, il a géré, résisté, douté parfois. « Je me suis senti lent par moments, je me disais : ce n’est pas possible…« sourit-il. Mais l’envie d’aller au bout l’a emporté, comme toujours. Ce goût du retour aux sources, de la boucle bouclée, c’est aussi celui d’un homme qui a contribué à façonner le terrain de jeu qu’il a fini par dompter.
Derrière lui, Valentin Vandelle, Jurassien lui aussi, prend une superbe deuxième place (22h22), progressant d’une marche après sa 3ᵉ place en 2024.
Et à la 3ᵉ, l’Isérois Louis Rigaudière complète un podium 100 % montagne, 100 % authenticité.
Thévenard, Vandelle, Rigaudière… trois approches du même combat : celui d’une course intérieure, d’un ultra où chaque montée raconte un morceau de soi.
Marie Janod, la révélation et la lumière
Si le Jura aime les histoires enracinées, il aime encore plus les révélations. Cette année, c’est Marie Janod, du petit village des Piards, qui a écrit la plus belle page de l’édition 2025. En 25h51, elle pulvérise le record féminin de près de deux heures et demie, se classant 15ᵉ au général. Une performance d’une puissance rare; à la fois physique et émotionnelle.
« La fin a été difficile, j’ai beaucoup souffert cette nuit« , raconte-t-elle avec sincérité. « Je n’aurais jamais fini première sans mon pacer Alexandre. Toute la nuit, je savais que les autres filles étaient juste derrière. C’est ce qui m’a poussée à ne rien lâcher. »
À travers ses mots, on devine la fragilité et la force mêlées des grandes championnes. À 25 ans, elle incarne cette nouvelle génération de coureuses qui courent pour le partage, pour le dépassement, mais surtout pour vivre.
À l’arrivée, entourée de sa famille, des copains du Jura, Marie fond en larmes : « Le faire seule, c’est complètement différent… Je ne sais pas si je le referai, mais cette victoire restera un moment très fort.«
Dans le brouillard du Mont d’Or, ce matin-là, elle a trouvé bien plus qu’une victoire : un accomplissement.
Une édition jurassienne, dans la douleur et la beauté
Il a plu, bien sûr. Parce que l’UTMJ sans pluie, ce ne serait plus tout à fait le Jura. Les 474 partants du 175 km ont affronté le vent, la boue, les longues nuits froides et les descentes glissantes. Mais entre deux averses, les fenêtres de ciel clair ont offert des instants suspendus: un lever de lune sur les combes, une traversée des forêts du Mont d’Or sous un voile d’étoiles, un petit jour sur les lacs.
Les bénévoles, fidèles parmi les fidèles, ont porté les coureurs à chaque ravito, souvent sous des bâches battues par la pluie. Les habitants, eux, sont venus encourager, klaxonner, tendre un café chaud ou un mot. Car ici, le trail est une affaire de territoire, pas de performance seule. Chaque édition de l’UTMJ est un hommage à une terre rude et généreuse, où le mental compte autant que les jambes.
La meute du Jura : toutes les distances, même passion
Si l’UTMJ 175 est la légende, les autres courses font battre le cœur du week-end.
Sur la Franco-Suisse (105 km), c’est Yoann Lecauchois, venu tout droit de Normandie, qui s’est imposé après une belle bataille et même… une erreur de parcours! « On s’est bien tiré la bourre, et c’est ce qui a rendu la course encore plus belle« , raconte-t-il, admiratif devant les paysages du Jura, « moins cassants que les Alpes, mais terriblement usants. »
Chez les femmes, Alice Meignie l’emporte en 12h00, devant Manon Charpy et Mathilde Cattel, toutes deux du Doubs.
La Renarde (75 km) a souri à Jérémy Arboire et Mathilde Duchaussoy, tandis que la Chamois (10 km) a mis en lumière la nouvelle génération: Eliot Monnier Benoit, 16 ans, s’impose en 40:14, un chrono qu’il avait méthodiquement planifié: « Je voulais tourner autour de 45 minutes, j’ai tout donné dans la descente.«
Chez les femmes, la jeune Anaïs Maquinghen, venue de Boulogne-sur-Mer, découvre la montagne et s’offre une victoire pleine de fraîcheur: « C’est seulement ma deuxième course en montagne, mais quel plaisir! »
Et puis il y a les 1 000 enfants de l’UTMJ Kids, courageux sous la pluie, sourire aux lèvres, dossard parfois trop grand mais envie immense.
C’est eux, l’avenir du trail jurassien.
UTMJ, l’esprit d’un territoire
En six éditions, l’UTMJ est devenu bien plus qu’une course. C’est un symbole d’attachement à une région, une vitrine de ce que le trail sait faire de mieux : fédérer, inspirer, raconter. Avec des épreuves qui traversent trois départements et des milliers de bénévoles impliqués, l’événement a trouvé son rythme et son identité.
Comme le dit Jean-Marie Thévenard: « Encore quelques éditions, et l’UTMJ aura une très grande notoriété. Ils savent vraiment faire.«
Mais au fond, ce n’est pas de notoriété qu’il s’agit. C’est d’une âme. Celle d’un massif qui n’a rien à prouver, mais tout à offrir. Celle d’un événement où l’on croise les copains du coin, les élites humbles, les jeunes fous, les vétérans passionnés. Celle d’un Jura authentique, solidaire, et profondément humain.
Ce qu’il reste, quand tout s’arrête
Quand les frontales s’éteignent et que les sentiers retrouvent leur silence, il reste les traces de pas dans la boue, les regards partagés à l’arrivée, les mains tendues sur les ravitos. Il reste la certitude que ce sport-là, le trail, est bien plus qu’un effort: c’est une manière d’habiter le monde.
L’UTMJ 2025 a couronné deux enfants du pays, mais c’est tout un territoire qui a gagné. Le Jura, rude et magnifique, continue d’écrire sa légende; pas à pas, souffle après souffle.
Et dans ce brouillard des hauteurs, entre douleurs et émotions, il y a cette vérité simple: Courir ici, c’est se sentir vivant.
Crédit photos: B. Becker & L. Ménétrier
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