Erik Clavery : « Sur le GR34, j’étais le véhicule. L’énergie venait de tous ceux qui m’ont accompagné »
En 18 jours et 22 heures, Erik Clavery a avalé les 2 100 kilomètres du sentier côtier breton, pulvérisant le record du GR34. Mais plus qu’une performance, le traileur nantais raconte une aventure humaine bouleversante, entre fatigue extrême, partages et émotions. Un récit puissant, où la solitude n’a pas sa place.
« Ce record ne m’appartient pas. » D’entrée, Erik Clavery donne le ton, lorsque j’échange avec lui 4 jours après sa performance. Pour ce champion du monde 2011 de 24 heures, le dépassement de soi est avant tout une affaire de collectif. Le 19 mai 2025, il boucle le GR34 en moins de 19 jours, battant le précédent temps de référence. Mais dans sa bouche, pas de superlatifs personnels. « Je suis le véhicule. C’est l’énergie de toute l’équipe qui m’a permis d’y arriver.«
Une aventure de proximité, mûrie depuis cinq ans
Le projet germe dans son esprit alors qu’il vient de traverser les Pyrénées par le GR10. « Après mes 40 ans et le GR10, je voulais une nouvelle aventure. Le GR34 s’est imposé naturellement : c’est l’un des plus beaux sentiers de France, et surtout, je suis local. » Le côté pratique compte aussi : « Mes proches pouvaient facilement venir me retrouver.«
Mais la simplicité d’accès n’efface pas la complexité du défi. « C’est un an et demi de préparation. Pas physique — ça, c’est l’accumulation de 30 ans de sport — mais organisationnelle, mentale, logistique. » Entre analyse du tracé, stratégie de ravitaillement, gestion du sommeil ou constitution de l’équipe, chaque détail compte. « Ce n’est pas un défi qu’on improvise.«
Une performance en collectif
Clavery ne conçoit pas l’ultra-distance sans soutien. Pendant toute la traversée, il est entouré d’un noyau dur : sa femme Céline, sa cousine kiné, et une seconde équipe d’amis pour le relais matinal. « On était une dizaine. C’était la condition pour tenir.« » Chaque membre a un rôle précis, et le coureur insiste : « Ce record, c’est le leur aussi.«
Cette force collective se manifeste jusqu’au bord du sentier. « J’ai dû courir seulement 70 ou 75 km seul sur les 2 100km du GR34. Le reste du temps, j’étais accompagné. » Et plus les jours passent, plus les soutiens affluent. « À partir du 8e jour, ça a pris une ampleur incroyable. La dernière semaine, c’était une apothéose.«
L’humain au cœur du défi
Ce qu’il retient ? Pas les kilomètres, ni les douleurs. « Ce sont les rencontres. Cette aventure, c’est une richesse humaine fabuleuse. » Il évoque des soutiens inattendus : « Une amie opérée d’un cancer la veille qui m’a rejoint dès le lendemain, une tante malade qui est venue sur le sentier alors qu’elle ne sort jamais…«
Soutenir la lutte contre le cancer faisait partie du projet. « Je voulais m’associer à La Ligue contre le Cancer. C’est une cause qui me touche personnellement. » Et dans les moments les plus durs, c’est aussi ce qui l’a porté. « Quand j’avais envie de rester couché, je pensais à eux. Eux ne peuvent pas abandonner. Moi, je n’ai pas le droit de me plaindre.«
Au moment de l’interview, c’est plus de 12000 € qui ont été récoltés pour l’association, et vous pouvez encore faire un don.
Une gestion du corps au millimètre
Sur le plan physique, Erik décrit une aventure usante, mais bien gérée. « La vraie difficulté, c’est la fatigue. Le manque de sommeil s’accumule. » Pour limiter les dégâts, son équipe s’organise : kinésithérapie quotidienne, ravitaillements tous les 10 kilomètres environ, alimentation simple mais abondante.
« Il fallait manger beaucoup, mais régulièrement. Du riz, des pizzas, des salades, du classique. » Le sommeil, lui, est fractionné. Et malgré la fatigue, le corps encaisse : « Mécaniquement, j’étais bien. C’est la qualité de l’équipe qui a fait la différence. »
Un terrain breton… presque idyllique
Le sentier breton est rude, mais offre quelques cadeaux. « La météo a été exceptionnelle. J’ai eu quatre ou cinq heures de pluie en tout. Et un vent favorable sur toute la côte nord. » Un alignement des planètes rare. « C’était improbable. »
Et puis, il y a la Bretagne. « Des paysages fabuleux, très variés. Mais ce qui reste en tête, ce sont les gens. Leur générosité, leur bienveillance.«
Après le GR34, de nouveaux projets
À peine l’aventure terminée, Erik se projette. « Je vais courir les Templiers en fin d’année, pour rester dans une dynamique. » Et déjà, d’autres rêves pointent. « La Via Alpina, de Slovénie à Monaco. Et peut-être, un jour, le Pacific Crest Trail aux États-Unis. » Mais il le sait : il faudra des partenaires, du temps, une logistique d’envergure. « Ce sont des projets encore plus ambitieux.« Et pour nous, de nouvelles aventures à suivre, qui nous ferons vibrer…
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